Bouclons la boucle

J’ai décidé d’inviter les personnes de mon entourage, qui ont à cœur de sauver la planète, à écrire des articles ici.

Aujourd’hui, il s’agit d’Aurélien, avec qui nous avons parlé maintes fois du Cradle to Cradle design (C2C), et l’ai invité à en faire un article. Dans le C2C, il s’agit de prendre conscience d’où viennent matières premières et énergie dès la conception d’un produit, et de revaloriser ses déchets à l’infini.

©Bjarque Ingels – www.big.dk
©Bjarque Ingels – www.big.dk

« Aujourd’hui, je vais vous parler d’une approche biomimétique de concevoir des produits.

Tout a commencé par une observation dans ma cuisine, où je me suis dit que quelque chose n’était pas très logique… Un peu de réflexion personnelle et quelques recherches sur internet plus tard, j’ai découvert le design cradle to cradle. Cette démarche de conception des produits est pour moi (r)évolutionnaire ! J’ai donc eu envie de la partager avec vous.

Je me suis toujours intéressé à mon impact sur l’environnement, et je m’applique dans ma vie quotidienne à faire attention à mes actions sur celui-ci. J’essaie de produire le moins de déchets possible, de limiter mes consommations d’énergie, de n’acheter que ce dont j’ai réellement besoin, d’acheter d’occasion quand c’est possible etc. Je suis pas mal inspiré par les groupes de zéro déchet (ex. le zéro déchet facile) ou par mes propres réflexions. 

Les compotes en gourdes…

Récemment j’ai décidé d’arrêter d’utiliser des compotes en gourdes pour mes filles et donc j’achète désormais de la compote dans des pots en verre avec laquelle je remplis des gourdes réutilisables. L’autre jour, je regardais les pots en verre vides s’accumuler sur le plan de travail et me demandais si c’était vraiment mieux. Ces pots vont aller au recyclage, être refondus avec une débauche d’énergie et des pots vont être fabriqués à nouveau à partir de cela.

Et dans la nature, ça se passe comment ?

J’ai commencé à m’interroger sur comment, dans la nature, fonctionne l’écosystème dans lequel nous vivons. Lorsque je regarde cet écosystème, je ne vois pas de déchets finaux. C’est pourtant un système très complexe avec des besoins en ressource et une production de déchets intermédiaires. Cependant, chaque déchet (matière ou énergie) produit par un acteur de ce système sert de ressource à un autre acteur de ce système. 

Une industrie linéaire

A contrario, notre système économique de production est très linéaire. Des ressources naturelles sont extraites (énergie, ou matière première). Ensuite, elles sont transformées en produits ou services. Puis, ces derniers sont utilisés avec une durée de vie plus ou moins longue avant de finir en déchets. Ces déchets sont entassés en gros tas. Ils peuvent être brûlés pour prendre moins de place, mais ça ne résout paaas vraiment le problème. Une partie aussi de ces déchets sont recyclés (42% des déchets en France – source ADEME). C’est-à-dire qu’à la fin de leur utilisation, la société les récolte, trie, et les retraite. Au passage, on en profite pour râler sur le montant de nos impôts. Ahah !

On peut remarquer que plus il est produit de biens ou de services, plus il y a de déchets. Les démarches écologiques telles que le zéro déchet, le minimalisme etc. encouragent à moins consommer pour moins produire de déchets. Soit dit en passant, c’est une démarche très intéressante, car elle amène à nous questionner sur notre rapport aux biens, de pourquoi les achète-t-on : est-ce pour le bien en lui-même, ou pour ce qu’il représente ? C’est-à-dire, achète-t-on un produit pour simplement l’utiliser, et donc notre consommation serait tirée par nos besoins, ou achète-t-on un produit pour l’image qu’il véhicule et ainsi notre consommation serait une extension de nous-même ?

“We are too materialistic in the everyday sense of the word, and we are not at all materialistic enough in the true sense of the word. We need to be true materialists, like really care about the materiality of goods.”

« Nous sommes trop matérialistes au sens commun du terme, et nous ne sommes pas assez matérialistes dans le vrai sens du terme. Nous devons être de vrais matérialistes, et réellement nous attacher à la fonctionnalité des biens. »

Juliet Schor

Et si notre système économique de production fonctionnait comme notre écosystème naturel ? 

La clef est de considérer que chaque matière première a une durée de vie infinie. Le produit, lui, a une durée de vie finie. Ainsi il est constitué de matières premières empruntées uniquement pour sa propre durée de vie. Ensuite ces matières premières sont réutilisées pour un autre produit. 

La conception du produit s’assure que les matières premières peuvent être utilisées facilement par un autre acteur. Mais aussi que les matières premières peuvent être réutilisées d’un autre acteur. L’apport d’énergie pour transformer ces produits devient minimum.

Cradletocradle_Faisletoimemestp2

Dans l’exemple ci-contre, le produit 1 a besoin d’un apport d’énergie externe. Il réutilise les déchets du produit 4 comme matière première. Le surplus d’énergie est utilisé pour la production du produit 2.

Le produit 2 réutilise ses propres déchets (de fin de vie du produit) et est aussi source de matière première pour le produit 4. etc.

Au lieu d’avoir une production linéaire, la production d’un bien, ou d’un service s’intègre à l’environnement déjà présent. Il n’y a plus de déchets, ni de ressources mais simplement des échanges de matières premières et d’énergie.

Pour garantir que cela fonctionne, lors de la conception des produits, quelques questions essentielles se posent : 

  • où peuvent être trouvées les différentes ressources (matière ou énergie) nécessaires à la production ? Est-ce que cela peut être un déchet produit par ma propre production, mon produit en fin de vie ou le déchet d’un autre acteur ?
  • que faire des déchets lors de la production et de la fin de vie du produit ? Est-ce que je peux les réutiliser pour ma propre production ? Est-ce une ressource pour un autre acteur ?

Ce changement de paradigme permet de créer un système économique viable, durable et parfaitement intégré à notre environnement ! 

Il est important de souligner ici que ce système devient plus intéressant économiquement. En effet dans l’approche linéaire de notre système actuel, toute l’extraction des ressources (énergie ou matière première) et le retraitement des déchets sont à financer. Au passage, il faut noter qu’une partie de ce coût n’est pas financé car emprunté sur le futur, mais ce coût est bien réel. 

A contrario, dans l’approche systémique, le coût des ressources est minimum car celles-ci sont principalement fournies par un autre acteur. Le coût de traitement des déchets devient minimum car ils deviennent ressources pour un autre acteur.

Le conception de tels produits s’appelle le « Cradle-to-Cradle design ».

Ce concept de design est détaillé ici (en anglais), et il est même possible de certifier sa production via un label.

Voici quelques exemples de réalisations ou d’idées :

  • Bjarque Ingels Bjarque Ingels présente un complexe de bâtiments utilisant ce principe. Ce projet s’appelle Little Denmark. La démonstration est assez poussée et parfaitement viable. Par exemple, une de ses idées, on voit que la chaleur produite par les réfrigérateurs des  supermarchés est réutilisé pour chauffer la piscine. 
  • On peut imaginer que dans le cas de mes pots de compotes, ils soient tout simplement consignés. Ça ferait un bon exemple de réutilisation de matière (qui n’est donc plus un déchet) provenant de la fin de vie de son produit.
  • L’architecte Patrick Rubin propose des bâtiments réversibles. Ne sachant pas prévoir la future utilisation d’un bâtiment, il prévoit de le faire modulable à souhait. Il peut donc se produire à nouveau à partir de lui-même.

Aujourd’hui, pour moi ce concept représente une solution viable, réalisable facilement et intéressante économiquement.

Une fois que l’on a ce concept en tête, chacun peut imaginer des solutions à appliquer dans son propre métier. Il faut réaliser au début ce qui est facile, et plus tard apparaîtront des solutions pour des problèmes plus complexes. 

Aujourd’hui j’ai en tête ce concept lorsque je designe les produits dont je suis en charge. »

Merci Aurélien.

Et toi ?

Partage avec nous tes expériences. Qu’as-tu mis en place dans ton quotidien, ton travail etc ? Comment ça s’est passé ? Quelles ont été les plus-values ?